Pour clore dignement cette première année de projet, une cérémonie de fin de cours et de remise de diplômes en présence du Consul Général de France à Milan a été organisée.
Nous avons eu le privilège d’être reçus en délégation, onze enfants et leurs parents, par M. Cyrille Rogeau, Consul Général de France, dans la Résidence Consulaire de Milan, avec M. Luc Pénaud, Consul Honoraire de France à Gênes, Mme Laura Petrolino, Conseillère Consulaire, et Mme Carole Fregonara, Directrice de l’Alliance Française de Gênes.
M. Rogeau a félicité les enfants et leur a expliqué brièvement son propre métier, le métier du diplomate.
· Un diplomate contribue à l’application de la politique étrangère voulue par le Gouvernement et préserve les intérêts de la Nation sur la scène internationale.
· Pour y parvenir, il doit :
· organiser les activités de représentation du Consulat ou de l’Ambassade,
· gérer l’administration des ressortissants français dans le pays d’affectation : état civil, tenue des élections, assistance, immatriculation des véhicules, établissement des documents officiels …
· délivrer les visas aux étrangers désireux de voyager en France,
· rédiger des notes diplomatiques à destination du Président de la République et du ministère des Affaires étrangères,
· nouer et entretenir des relations politiques, économiques et culturelles entre la France et le pays d’accueil,
· veiller à la protection des intérêts de l’État et des ressortissants français,
· préparer et coordonner les visites de Représentants politiques, de Ministres ou du Président de la République dans le pays d’accueil,
· développer des réseaux de contacts dans le pays d’affectation,
· soutenir les entreprises françaises à l’étranger,
· promouvoir l’image de la France à l’étranger, veillant à garder la paix en général ainsi que des bons rapports entre la France et le pays d’accueil (et – si possible – contribuer à les améliorer).
En concluant son discours, M. Rogeau a effectué la remise des diplômes, à l’occasion de laquelle chaque enfant a aussi reçu un livre d’éducation civique.
La visite à la Résidence s’est terminée par une collation – que tout le monde a beaucoup appréciée – offerte par M. Rogeau, que nous remercions infiniment de son amabilité et de son sincère intérêt pour notre projet éducatif.
Dans l’après-midi le groupe d’enfants et de parents de Zenaflam s’est déplacé à la Pinacothèque de Brera, où M. Alessandro Garibbo a parlé des rapports entre l’art et la politique.
· La Pinacothèque de Brera, organisée en tant que « Louvre d’Italie », naît de la volonté politique de Napoléon Bonaparte visant à l’éducation du peuple et à réaliser un musée d’état ouvert au public ;
· Napoléon, lors de son arrivée en Italie, pense immédiatement à la création d’un musée rappelant le style des Lumières, témoin de tout le développement de l’art national italien, c’est-à-dire du royaume qu’il dirige. Les collections sont constituées par la suppression d’églises et de couvents et par différentes réquisitions sur tout le territoire du royaume d’Italie. Les peintures, presque toutes sacrées, proviennent des régions d’Emilie-Romagne, des Marches et surtout de Vénétie : ces dernières ont la particularité d’être d’immenses toiles (il s’agit des fameux « telèri ») qui caractérisent immédiatement la galerie et son caractère monumental ;
· Brera devient donc un lieu de culture où les collections du musée sont organisées de manière systématique selon un critère historique et, ce qui est très important, chaque œuvre d’art est associée à une fiche explicative :
· Conformément à sa vocation de “musée du peuple”, Brera publie un guide pour les visiteurs et diffuse un catalogue économique.
· Il s’agit d’un musée conçu comme une fin en soi (le pouvoir au service de l’art) et non pas d’une collection particulière de quelque grand seigneur devenue ensuite musée, comme c’est le cas pour la plupart des musées italiens et pour la totalité des musées génois.
· Au centre de la cour d’honneur, une statue en bronze colossal de Napoléon nous accueille. Grand, musclé, beau. Cela ne reflète nullement l’apparence réelle de l’empereur. Évidemment, Antonio Canova est intervenu greffant le visage du souverain sur le corps majestueux du dieu de la guerre vainqueur, une sorte de Photoshop ante litteram (l’art au service du pouvoir).
· Une sélection des tableaux parmi les plus représentatifs a été brièvement présentée aux enfants avant l’entrée au musée :
o Il Cristo morto del Mantegna – œuvre très iconique (1480) qui présente le cadavre humain du Sauveur avec un regard audacieux qui a certainement contribué à rendre ce tableau célèbre. La rigueur de la composition et la composante dramatique rendue avec un réalisme précis font de cette œuvre un chef-d’œuvre de la Renaissance.
o La pietà di Giovanni Bellini – (1465-1470) travail d’une force dramatique insoutenable. Les visages de Marie et du Christ mort se touchent presque et se confondent. Andrea Mantegna et Giovanni Bellini étaient des beaux-frères, amis et rivaux, unis par des liens familiaux mais surtout par le génie artistique. Lorsque Bellini était à Venise et Mantegna à Padoue, les deux artistes ont collaboré étroitement. Les différences d’inspiration et de tempérament entre les deux se reflètent dans leurs styles. Mantegna possédait une extraordinaire maîtrise de la perspective: ses peintures sont des sculptures bidimensionnelles, riches en détails architecturaux. Ses corps sont en marbre et sont admirablement sculptés, tandis que ceux de Bellini sont d’une douceur humaine, ils sont en chair et en os.
o Il Cristo alla colonna di Bramante – peinture de Donato Bramante,1490, détrempe sur bois. La figure du Christ est présentée de façon imposante, de niveau et parsemée d’un contraste clair en clair-obscur. Le traitement pictural montre l’apprentissage de la manière flamande, qui s’est probablement déroulé dans la cour d’Urbino du Montefeltro. Le regard du Christ est particulièrement vif, tourné vers quelque chose ou quelqu’un à sa gauche, dans une direction précise. Le corps, quant à lui, est parfait et classique dans ses proportions. Même l’intérieur dans lequel la figure s’inscrit est classique. La colonne traditionnelle Bramante est remplacée par un pilier décoré de motifs végétaux dorés. Sur la gauche, l’espace s’ouvre par une fenêtre. Sur le parapet se trouve un gobelet en or (le Graal).
o La pala di Montefeltro di Piero della Francesca – l’un des sommets de la recherche de la Prospective du quinzième siècle (1472-1474). La structure monumentale rigoureuse et le sens de la lumière fixe abstraite font de ce grand retable un chef-d’œuvre absolu. Au centre de l’œuvre se trouve la Vierge intronisée dans une position d’adoration, les mains jointes à l’enfant Jésus endormi sur ses genoux. Autour il y a une foule d’anges et de saints. En bas à droite se trouve le duc Federico du Montefeltro, agenouillé et armé (l’art au service du pouvoir). L’abside d’une église à la structure architecturale classique constitue le fond de la composition. La Madone est la figure qui domine la représentation et son visage est le point de fuite de toute la composition. Le trône repose sur un précieux tapis anatolien, objet rare et précieux inspiré de peintures analogues de l’art flamand. L’enfant a accroché autour de son cou un pendentif en corail qui évoque le rouge du sang, symbole de la vie et de la mort. Le duc Federico est exposé plus à l’extérieur, hors du groupe des anges et des saints, comme le prescrivait le canon hiérarchique de l’iconographie chrétienne de la Renaissance ;
o Lo sposalizio della Vergine di Raffaello – Réalisée en 1504, il s’agit d’une œuvre de la jeunesse du peintre, à l’époque âgé de vingt ans environ. Prenant pour modèle le Mariage du Pérugin (qui se trouve au Musée des Beaux-Arts de Caen), le très jeune étudiant réalise sa version splendide, qui marque également la fin de la période d’apprentissage, à la suite de laquelle il s’installe à Florence. L’événement est raconté comme s’il s’agissait d’un mariage de seigneurs de la Renaissance italienne. Raphaël n’imite pas la nature, mais crée un modèle parfait qui dépasse la réalité. Il est donc le créateur de la beauté idéale (un reflet du néo-platonisme de la Renaissance). Les personnages que Raphaël peint sont une médiation entre l’étude de la nature et les modèles classiques soigneusement étudiés par le peintre. Les positions des personnages sont particulièrement élégantes, comme le sont traditionnellement les peintures de Raphaël. De plus, les vêtements sont doux, enveloppent les corps qui les modèlent et sont composés d’une élégante draperie. Enfin, les visages sont idéaux, comme dans toutes les œuvres de Raphaël, et presque parfaitement ovales ;
o La Cena in Emmaus di Caravaggio – le langage de ce tableau, réalisé en 1606, et celui du retable des noces de la Vierge de Raphaël sont en complète antithèse ! Cette antithèse nous donne une mesure exacte du changement du langage de l’art sacré avant et après la Reforme de Luther. La Contre-Réforme catholique, de laquelle Caravaggio est l’un des interprètes les plus représentatifs, place l’homme commun au centre du discours religieux. L’art doit parler à l’homme, directement. Le réalisme substitue donc toute idéalisation. L’humanité du Christ est mise en valeur. Des pauvres hères habillés humblement prennent la place des saints glorifiés. Il ne reste que la lumière pour souligner l’importance des personnages, des gestes, de la situation. Ce tableau nous montre Jésus qui se manifeste à ses disciples après sa résurrection. Il devrait être heureux, glorieux, triomphant, et pourtant il est souffrant, fatigué et presque épuisé. C’est quelqu’un qui a regardé la mort dans les yeux, quelqu’un en train de dire adieu – à jamais – à ses amis, quelqu’un qui a beaucoup souffert pour les autres et qui parle au cœur de chacun de nous.
o Il bacio di Hayez – l’un des chefs-d’œuvre du romantisme italien (1859). La version conservée à Brera est l’une des trois réalisées par le peintre. Le travail veut célébrer l’alliance entre l’Italie et la France à travers l’utilisation des couleurs des deux drapeaux, vert, blanc, rouge d’Italie et bleu, blanc, rouge de France. Hayez, en fait, entendait rendre hommage à la nation transalpine, alliée à l’Italie à la suite de la conclusion des accords de Plombières entre Napoléon III et Camillo Benso, comte de Cavour.