Samedi 11 mai 2019 de 10h00 à12h00 : Alliance française de Gênes (Enfants et parents)
Le thème de la journée étant « Parler politique avec les enfants !», un atelier « Sciences Po » a été organisé pour les plus grands (8-14 ans) par M. Mauro Barisione, tandis que pour les plus petits (3-7 ans), M. Alessandro Garibbo, aidé par Mme Laura Petrolino, Mme Alessandra Greco et M. Florent Jolivel, ont organisé un atelier intitulé « Il était une fois un roi ». Les deux ateliers se sont tenus à l’Alliance française de Gênes.
L’Atelier « Sciences Po » se proposait d’introduire les enfants à l’idée de « politique » et aux principales familles idéologiques d’une façon accessible, pratique et interactive. Nous rappelons que l’idée à la base de l’ÉNA des enfants est celle de « s’éduquer » en expérimentant.
À partir de la vision de cinq vidéos de la durée d’environ une minute chacune, M. Mauro Barisione a d’abord illustré les mots-clés et les significations fondamentales de la politique, puis il a invité les élèves à remplir une feuille avec les idées (des mots ou des dessins pour les plus petits) qu’ils associaient à chaque valeur politique, telles que la liberté, l’égalité, l’ordre. Ensuite, les mêmes idées ont fait l’objet d’une discussion de groupe.
La liste des vidéos montrées est la suivante :
– C’est quoi la politique ? – 1 jour, 1 question
(https://www.youtube.com/watch?v=UowvVWjVDe4)
– La droite et la gauche selon Emmanuel Macron – PRÉSIDENTIELLE: CANDIDATS, AU TABLEAU !
(https://www.youtube.com/watch?v=54rzz74ikLI)
– Trois extraits vidéo tirés de « Il était une fois l’homme », Episodes : Le siècle des Lumières ; Le printemps des peuples
(https://www.youtube.com/watch?v=3yPND41shuo) (https://www.youtube.com/watch?v=RsG0ifWS6w0).
L’Atelier a été structuré en deux parties:
- L’idée
de “politique” :
- Le sens du juste et de l’injuste (Zoon politikòn) ; Autoriser et interdire ; Espace public et espace privé ; Relation de commandement et obéissance ; Usage légitime de la force ; Divisions et partis ; Ethique de la responsabilité.
- Les
idées politiques :
- Gauche et droite: une distinction courante mais limitée ; Raisonner par traditions idéologiques : Libéraux, Progressistes et Conservateurs ; Les trois “étoiles polaires” des principales familles politiques : liberté, ordre, égalité.
Pour fournir aux adolescents une clé de lecture de la réalité politique d’une société, telle que la nôtre, où les « ingrédients » du conservatisme, du libéralisme et du progressisme s’entremêlent en donnant lieu à des « recettes » politiques diverses et variées, Mauro Barisione a retracé brièvement les origines historiques et idéales des trois principales familles idéologiques dont la plupart des partis politiques modernes et contemporains sont issus.
À l’origine, le libéralisme est inséparable de la lutte pour la liberté politique ; il s’agit avant tout d’un régime politique qui implique des institutions représentatives, la séparation des pouvoirs, la distinction de la société et de l’État. Sur le plan économique, il s’est accompagné de l’idée selon laquelle le marché libre, le libre jeu des intérêts et de la concurrence, entraînaient la prospérité des nations. Mot-clé : Liberté.
À l’origine, le conservatisme correspond à un courant de pensée qui s’est constitué en réaction à la Révolution française et à la modernité, avec l’illusion d’un possible retour en arrière. Au cours du XIXe et du XXe siècle, le courant conservateur s’est développé et renouvelé en menant une critique de la révolution industrielle, de l’urbanisation et de la massification. Mot-clé : Ordre.
Le progressisme est un courant de pensée qui considère qu’une transformation profonde des structures sociales et politiques doit être accomplie pour une plus grande justice sociale et pour l’amélioration des conditions de vie. Il s’oppose au conservatisme. Les progressistes croient au progrès moral de l’humanité et aux bénéfices que le développement des sciences et des techniques peut apporter au plus grand nombre. Mot-clé : Égalité.
Dans l’ensemble, les 17 élèves ont participé vivement à l’atelier et ont montré beaucoup d’intérêt et de curiosité sur les sujets proposés. L’interaction entre élèves a permis de confronter les points de vue et d’expliciter des situations réelles vécues par les enfants. Tous ont ainsi pu s’exprimer sur le sujet pour aussi bien questionner qu’apporter des éléments de réflexion et approfondir les thèmes d’égalité, d’ordre et de liberté dont chacun avait une définition assez personnelle en commençant, pour finir avec des idées plus claires pour mieux comprendre la politique.
L’atelier « Il était une fois un Roi » se proposait – quant à lui – d’aborder les thèmes de la monarchie absolue et de la tyrannie par rapport à la monarchie constitutionnelle et aux systèmes démocratiques modernes.
Comme la tranche d’âge 3-7 ans représente notre défi pédagogique majeur, car les petits sont plutôt dépourvus des outils (lexicaux, grammaticaux, de la pensée, etc.) pour interagir sur des concepts aussi complexes, nous sommes partis des personnages des fables et en particulier de celui du Roi, à travers lequel nous avons présenté la tripartition des pouvoirs et les enjeux de la démocratie.
Nous avons aussi misé sur la valeur pédagogique de la musique et du théâtre et nous avons donc mis en scène des situations aussi bien explicatives qu’amusantes en cooptant les enfants dans la fiction théâtrale.
À l’instar de ce qui avait été fait à l’occasion du « robot bien élevé », nous avons tout d’abord posé aux enfants les questions essentielles : Qu’est-ce qu’un roi ? Quel est son métier ? Quels sont ses pouvoir ? Comment devient-on roi ?
Une fois l’attention de notre public de huit enfants captée, notamment grâce à la distribution de jouets, comme des épées, des couronnes, des manteaux et autres déguisements, nous sommes partis d’un roi, qui se situe entre la légende et l’histoire, pour ensuite parler du « bon Roi Dagobert », en proposant l’écoute de la fameuse comptine (https://www.youtube.com/watch?v=aqKjdSjNgRU). Nous avons en particulier commenté ensemble ce dernier couplet :
Quand Dagobert mourut,
Le diable aussitôt accourut.
Le grand saint Éloi
Lui dit : « Ô mon roi !
Satan va passer,
Faut vous confesser ».
« Hélas ! » lui dit le roi,
« Ne pourrais-tu mourir pour moi ? »
en demandant aux enfants s’ils trouvaient juste et s’ils auraient accepté de mourir à la place de quelqu’un d’autre, même si c’était le roi. Un roi a-t-il le droit de faire mourir quelqu’un d’autre à sa place ? Est-ce que ce « bon » Roi Dagobert de la comptine était donc « un bon roi » pour de vrai ?
Ceci nous a emmenés à aborder le thème du « roi méchant », c’est-à-dire du tyran tout puissant qui exerce le droit de vie et de mort sur ses sujets et qui se veut le propriétaire incontesté de toute « richesse » qui se trouve dans son royaume, y compris les personnes. Le roi qui fait couper des têtes. Comment devient-on un roi de ce genre ? Par droit de naissance ? À la suite d’une conquête militaire ? Ou bien par trahison, ayant tué son propre roi pour le remplacer (Macbeth, le Roi Ubu) ? Les enfants ont engagé sur-le-champ une petite bataille pour la conquête d’un royaume.
Puis, en évoquant la figure de Jean sans Terre, que les enfants connaissent très bien grâce au « Robin Hood » de Disney (alors que « Robin des Bois » en Italie demeure un inconnu), nous avons abordé le thème du « roi bien élevé », c’est-à-dire du roi qui assume des engagements avec ses barons, et signe un contrat avec eux, la Magna Carta Libertatum, qui limite ses propres pouvoirs royaux, en reconnaissant les droits légitimes de ses sujets.
Nous avons aussi parlé du roi Louis IX de France, un roi réformateur qui veut léguer un royaume dont les sujets seront soumis à un pouvoir juste, un roi qui avait institué une sorte de Parlement, déjà au XIIIème siècle (https://www.youtube.com/watch?v=6mxCiIXRaWY). Alessandro Garibbo, allongé sur le sol, les mains jointes, le regard au ciel, se prête à mettre en scène la mort du saint roi Louis. Que se passe-t-il à la mort d’un roi ? Comment l’on gère la succession ? Qui doit-il être et que doit-il faire un prétendant au trône pour revendiquer sa légitimité ? Les enfants proposent qu’il retire une épée d’un rocher.
Il s’agit du grand problème de la légitimation des pouvoirs royaux. Qui légitime un roi ? La volonté divine, l’épée qui se laisse retirer du rocher, ou bien une Constitution, et donc un engagement contractuel du roi avec ses barons d’abord et avec tous ses sujets ensuite ? Nous avons donc expliqué aux enfants ce qu’est un pacte verbal, un accord signé, un contrat rédigé en termes de loi et réglé par le droit.
Nous avons donc mis en scène un roi couronné (Alessandro Garibbo) qui s’agenouille devant les allégories de la Loi et de la Justice (nous avions déguisé deux fillettes pour la besogne : Agnese, la Justice, avec son épée et sa balance, Juliette, la Loi, avec son code, les deux couronnées de laurier) et qui fait serment de s’y soumettre.
« Dieu et mon droit ! » s’exclame le roi. Il s’agit du Roi d’Angleterre, et pourtant, à l’origine, d’un roi français, ce que nous avons expliqué aux enfants, en évoquant la Conquête normande.
Aujourd’hui encore, le blason de la monarchie anglaise comporte un cartouche affichant la devise « Dieu et mon droit ». Nous l’avons montré aux enfants et expliqué en détail.
En signe de soumission, le roi, à genoux, baise les pieds de la Loi et de la Justice en proclamant que la Justice aura le droit de lui couper la tête si jamais il enfreindra la Loi. La Justice s’exécute, joyeusement.
Ensuite, nous avons évoqué un autre personnage bien connu, le Roi Soleil, avec sa devise : « L’État c’est moi » (https://www.youtube.com/watch?v=Sy-yugPw_X8). Nous avons donc expliqué ce qu’est un état et nous avons parlé de la centralité du pouvoir royal au Grand Siècle et donc de l’absolutisme. « C’est bien le roi méchant à nouveau ! », s’exclament les enfants, plutôt scandalisés.
Nous avons donc mis en scène ce nouveau « roi méchant » qui signe une lettre (il s’agit d’une tristement célèbre « lettre de cachet ») permettant l’incarcération sans jugement d’un noble de sa cour, avec lequel le roi était en colère pour des raisons aussi futiles qu’inconnues. Le pauvre noble, sans méfiance, s’empresse de délivrer cette lettre – qui le condamne à son insu – au Grand Condé, chef de l’armée du roi, Maréchal de France. Ce dernier, une fois la lettre ouverte, le fait arrêter sur-le-champ et fait jeter le malheureux aux oubliettes : il ne sortira plus de prison de son vivant. « C’est pas juste ! », s’exclame la Justice, spontanément.
Au son de la Carmagnole (https://www.youtube.com/watch?v=d7zxojBcFYQ), les enfants font la Révolution. Le souverain absolu est remplacé par le peuple. Un Parlement fait la loi, un Gouvernement est chargé de faire respecter la loi et une Magistrature va juger ceux qui ne respectent pas la loi.
Les enfants apprennent que le Parlement fait la loi, mais il n’arrête ni juge personne ; que le Gouvernement administre, mais il ne fait pas la loi, ni juge personne ; que les juges, qui jugent les personnes, ne font pas la loi et ne se mêlent pas avec l’administration non plus.
Il s’agit donc de la fameuse tripartition des pouvoirs préconisée par Montesquieu. C’est bien cela qui transforme le sujet en citoyen. Tout le monde est égal devant la loi : la Justice se réjouit. Elle monte sur un piédestal avec la Loi, pendant qu’un jeune homme, Andrea, armé d’épée et équipé d’une armure, est prêt à les défendre en leur faisant un bouclier de son corps. Les trois enfants représentent le pouvoir législatif (La Loi), le pouvoir exécutif (le jeune homme armé), le pouvoir judiciaire (la Justice). Très belle photo du groupe d’enfants, iconique et destinée à devenir un symbole de l’ÉNA des enfants.
Que reste-t-il de la monarchie absolue et universelle après la Révolution ? Laura Petrolino lit aux enfants le Chapitre X du Petit Prince de Saint-Exupéry. Il y a un roi, tout seul, sur une planète minuscule. Peut-être, mais ce n’est pas sûr, il y a aussi un vieux rat. Le roi se prétend monarque absolu et universel. En réalité, il n’est qu’un pauvre hère – et il le sait très bien –, dépourvu de sujets, ainsi que de tout pouvoir, aussi bien royal que réel. Une triste épave de monarchie absolue, condamnée à observer, sans pouvoir y exercer la moindre influence, la révolution permanente des planètes.
Pour clore en beauté en évoquant l’égalité garçons/filles, nous avons parlé d’Elisabeth première, la reine qui transforma l’Angleterre, jadis une île aux marges de l’Europe et politiquement assez peu importante, en redoutable puissance maritime à niveau global.
Final dansant (https://www.youtube.com/watch?v=rB5Nbp_gmgQ).